Télétravail : nos 4 conseils pour trouver la bonne posture
Rédigé par Mateo Parent
Il y a encore dix ans, on était beaucoup à découvrir le confort de bosser en chaussons depuis son salon. Mais le vent tourne depuis la fin du covid, et de nombreuses entreprises multiplient les appels à reprendre le chemin du bureau, voulant parfois en finir avec un mode de travail qu'elles n'ont jamais vraiment accepté. Leur objectif est similaire : faire vivre un collectif engagé et enthousiaste, tout en respectant le bien-être et la flexibilité individuelle. Fly The Nest vous donne des billes pour dépasser cette approche un poil trop binaire. Tout est une question de posture !
Wifi, Bali et Covid
Il fut un temps (que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) où les caméras d’ordinateur faisaient la taille d’un bon pied adulte, et répondaient au doux nom de webcam. Les années 1990, c’était aussi les balbutiements du télétravail. Déjà à l’époque, il est plébiscité par les syndicats de salariés autour des grandes grèves de 1995 pour réduire les trajets domicile-travail et améliorer la qualité de vie. « Télétravail Magazine » sort même de terre avec une sublime couverture à peine rétro et titre : « 35% des français sont prêt à l’essayer ! »
La suite s’écrit rapidement, grâce aux ordinateurs portables ultra-légers et aux wifi ultra-rapides. Le télétravail total est vu par de nouveaux médias comme la future norme, qui fait pleuvoir sur Instagram les photos de Digital Nomades devant les plages paradisiaques de Bali, entre autres. Certaines entreprises se targuent même de ne plus avoir d’espace de travail commun (ben oui tiens, pour quoi faire ?).
Et puis le Covid est arrivé en trombe, forçant des grands groupes entiers à renvoyer chez eux les salariés, ordi au bras. Tous les outils sont là pour ne rien perdre en productivité : visio, chat en direct, logiciels collaboratifs… Pourtant, c’est deux leçons en demi-teinte qui percutent les directions RH au retour des confinements. La première, positive : de nombreuses équipes sont performantes en télétravail, peut-être plus qu’estimé avant la pandémie. Mais d’autre part, l’éloignement géographique a des conséquences négatives sur la création de lien commun, l’intelligence collective et, surtout, l’engagement. Les témoignages se multiplient sur les remises en cause de notre relation au travail, avec des phénomènes de fond comme le « quiet quitting ». Il n’en fallait pas plus pour que le présentiel revienne en force.
Come-back de l’open space
Le grand retour au présentiel a commencé aux Etats-Unis, dès 2022. Des entreprises comme Apple, Zoom, Google, Meta ou encore Tesla, qui avaient adopté le 100 % télétravail, y ont renoncé pour faire revenir leurs salariés sur site au moins deux ou trois jours par semaine, voire plus. Les grands groupes français leur ont rapidement emboîté le pas. Dans les colonnes du Monde, le vice-président de l’Association nationale des DRH (ANDRH) Benoit Serre l’explique : « [Les DRH] comprennent que ce mode d’organisation perturbe le management. Ils n’ont plus que 15 % à 20 % de l’effectif le vendredi. Ils ont parfois l’impression qu’on est passé à la semaine de quatre jours sans le dire. Et partout où l’on renégocie [le retour en présentiel], que ce soit chez Safran, L’Oréal, ou Bouygues, ça râle. »
La tendance s’étend dans des entreprises de toutes tailles, dans tous les secteurs. Chez Back Market par exemple, qui compte autour de 700 collaborateurs, la décision a été prise récemment de pousser à un retour au bureau. Fly The Nest a accompagné la licorne française dans la formation de ses manager, et a pu voir de l’intérieur la nouvelle politique RH déployée. Elle statue sur deux jours obligatoires de présence : le lundi, pour démarrer la semaine par un shot d’énergie collective, et un autre jour à la discrétion des départements.
La tendance mondiale rejoint un amour bien franchouillard pour le présentéisme. « Les Français sont les champions d’Europe de la présence au bureau, avec 3,5 jours par semaine en moyenne, selon une étude du cabinet de conseil en immobilier JLL qui confirme la tendance d’autres comparatifs. », expliquait un article des Echos en octobre dernier. Historiquement, nous avons un attachement plus fort aux relations avec les collègues, ne serait-ce que via la sacro-sainte pause dej’, qui étonne plus d’un(e) touriste visitant le pays aux milles fromages.
L’éternel dilemme
Malgré ce qui pourrait être perçu comme un retour en arrière, le télétravail est tout de même devenu la norme. La moitié des moins de 30 ans se disent prêts à démissionner ou à refuser un emploi sans télétravail (selon cette étude de ADP). La plateforme Indeed soulignait début 2023 que 5 fois plus d’offres d’emploi mentionnent le télétravail qu’avant le Covid.
Qu’est-ce qui coince, alors ? Eh bien, l’éternel dilemme des directions RH : privilégier plutôt la création de moments communs et de liens sociaux, c’est-à-dire la santé du sentiment d’appartenance, ou au contraire le bien-être personnel, la flexibilité et l’adaptation au salarié. Dans les arguments contre, on trouve également la nécessité de bien former les jeunes embauchés ou encore le risque d'une déperdition de la créativité collective. Ce choix d’une politique RH se confronte souvent à la réalité du recrutement, notamment sur les métiers en forte tension. Pour recruter un·e dev’, bon courage si le télétravail quasi-complet n’est pas possible… tant les offres en ce sens sont légion.
Au niveau individuel également, les demandes sont souvent contradictoires. « Quand on me demande de faire des formations à distance, je dois insister -parfois lourdement- pour les faire en physique, note Sophie Boquého, co-fondatrice de Fly The Nest. Dans les retours par la suite, on me dit beaucoup : ça fait du bien de se retrouver dans la même pièce ! C’est une forme de schizophrénie. » Pour éviter de se couper le cerveau en deux et les cheveux en quatre, nos expert·es vous proposent 4 conseils pour adopter la bonne posture sur le télétravail.
Trouver la bonne posture : nos 4 conseils
1 - Se tourner vers vos valeurs d’entreprise
Le présentiel est souvent invoqué comme une manière de créer du collectif. Le chacun-chez-soi donne vite l’impression diffuse d’une équipe d’électrons libres. Mais on ne le répètera jamais assez, c’est avant tout les valeurs communes qui constituent le socle d’un collectif, au travail comme ailleurs. Ce n’est pas 35 heures par semaine dans la même pièce qui façonne un sentiment d’appartenance.
Par conséquent, la politique de télétravail devrait idéalement s’accorder aux valeurs de votre entreprise, et non l’inverse. Vous ne pouvez pas simplement dire aux collaborateurs de revenir au bureau “parce que ce sera plus convivial” si la convivialité ne fait pas partie de vos valeurs. A l’inverse, si la performance et l’excellence sont cruciales pour vous, et que les salariés sont tout autant performants chez eux (voire plus), pourquoi les faire revenir ?
2 - Sonder les préférences des collaborateurs pour leur redonner les clés
“Le télétravail, c’est de la confiance accordée aux salariés, explique Corinne Gastaldi, co-fondatrice de Fly the Nest. Cette confiance est cruciale pour faire avancer le collectif. Mais il ne faut pas oublier le besoin humain de connexion, plus ou moins important selon les profils de personnes. Le télétravail peut faire souffrir, d’où l’importance d’être à l’écoute sur ce sujet.” Pensez donc à co-construire votre politique de télétravail avec vos collaborateurs, par exemple en sondant leurs besoins. Dans un questionnaire à remplir, vous pouvez leur poser les questions suivantes :
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Quel temps de trajet devez-vous faire entre votre domicile et votre lieu de travail ?
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Comment qualifiez-vous le trajet : très agréable, peu agréable, horriblissime ?
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Idéalement, combien de jours par semaine de télétravail souhaiteriez-vous ?
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Quels jours dans la semaine seraient idéal pour vous ?
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Pouvez-vous lister les tâches pour lesquelles vous préfèreriez être seul(e) au calme ? Combien de temps cela représente dans votre semaine ?
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De quoi avez-vous besoin de la part de votre employeur pour bien télétravailler ? A l’inverse, de quoi avez-vous besoin pour bien travailler au bureau ? (Par exemple : avoir un bureau attitré, un double écran…)
Puis, fort de ces réponses, prenez une décision qui vous semble en accord avec les besoins remontés par le questionnaire. Cela permettra notamment de mieux faire adhérer les salariés à votre choix final. “Évidemment, cela ne va pas créer une adhésion magique. Mais si vous prenez le temps d’expliquer ce qui vous a amené à ce choix, en argumentant à l’appui des avis et besoins des salariés, cela va créer plus d’engouement pour la politique de télétravail choisie”, explique Sophie Boquého.
3 - Fonctionner par petits pas
“J’ai eu affaire à pas mal d’entreprises qui avaient peur de mettre en place du télétravail, témoigne Florence Poyvre, cofondatrice de Fly the Nest. Il y a une crainte de ne pas trouver la bonne recette, puis de ne pas être en maîtrise de changer les choses une fois que la politique est lancée. En France, c’est très mal vu de reprendre des droits qu’on a concédé aux salariés, ça peut détériorer un climat social. Surtout les entreprises qui ont déjà un CSE en place, car cela rend certaines décisions plus officielles.”
Pour déjouer cette peur, rien de tel que la méthode des petits pas (ou essai-erreur, “try and retry”..). En gros, il s’agit d’annoncer plusieurs politiques différentes à tester, et changer de manière régulière, pour éviter la peur de figer dans le marbre une politique donnée. On peut définir à l’avance des périodes avec des politiques de télétravail différentes. Par exemple :
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Période n°1 - Lundi en présentiel obligatoire
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Période n°2 - Aucun jour obligatoire
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Période n°3 - Incitation forte à venir tel ou tel jour avec des déjeuner d’équipe à l’extérieur, mais sans obligation
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Période n°4 - Un jour fixe obligatoire (par exemple le lundi) et un autre flexible dans la semaine, à déterminer par les équipes
La durée de la période est à définir selon les besoins de l’entreprise, par exemple un mois, un trimestre, un semestre… A l’issue de ces phases de test, nous conseillons d’analyser ce qui aura fonctionné ou pas pour prendre par la suite le meilleur de chaque période.
4 - Différencier les politiques en fonction des équipes
Enfin, une solution intéressante en cas de conflit interne peut être de s’adapter aux besoins de chaque équipe, en différenciant les politiques pour chacune. Ces besoins peuvent être par exemple de passer des coups de fil au calme pour des commerciaux, ou bien de devoir échanger en physique régulièrement pour les équipes RH. Une solution peut être la mise en place d’un jour flexible obligatoire de présence sur site, à la discrétion des responsables d’équipe.
La start-up Trustpair, par exemple, a réinstauré un jour obligatoire de présence au bureau par semaine (à l’exception d’une équipe qui est à 2 jours). Ce jour est déterminé par le manager après discussion et alignement avec l’équipe. L'équipe People et l'équipe Finance sont présentes au bureau le mardi, l'équipe Tech et l'équipe Produit sont présentes au bureau le jeudi. “Ce jour est le même pour les équipes qui bossent le plus ensemble, donc ça leur permet de se voir en physique, explique Céline Gallon, VP People chez Truspair. Pour tout le monde, on sait quel jour venir en plus pour pouvoir travailler avec telle ou telle équipe. Ça permet aussi de gérer l'occupation des bureaux.”